Des plongeurs découvrent enfin l'épave d'un sous-marin datant de la guerre froide

La magnifique épave de l'USS Stickleback apparaît à l'écran. C'est le moment qu'attendait Tim Taylor, expert en sous-marins. Il se concentre entièrement sur les images de l'écran. Celui-ci montre des images du Stickleback en train de se décomposer lentement à plus de 3 000 mètres sous les flots. Puis, l'épave entière apparaît à l'écran, ce trésor que Taylor et son équipe ont cherché pendant des années. Il est la première personne à voir le Stickleback depuis sa disparition, en 1958.

Cela signifie que ce sous-marin a disparu pendant six décennies entières. Taylor et son équipe ont localisé le sous-marin perdu à l'aide de technologies de pointe, incluant des véhicules télécommandés, des sonars de haute technologie et des appareils d'imagerie. Le Stickleback avait en fait été brisé en deux. Et comme Taylor l'a fait remarquer, les membres de l'équipage du sous-marin ont eu une chance incroyable d'avoir survécu. En général, lorsqu'un sous-marin coule, l'équipage est piégé à bord.

Ce simple fait suffit à comprendre pourquoi Taylor était si obsédé par la recherche du sous-marin. Mais ce n'est pas la seule raison qui rend l'USS Stickleback spécial. Son nom de guerre était SS-415, un des 120 navires de la classe Balao construits pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, seul le Stickleback a joué un rôle historique aussi important.

Étant donné le degré de finition des sous-marins Balao, rien d'étonnant à ce qu'ils soient devenus de véritables légendes de la guerre. Le premier de cette classe – l'USS Balao – a été lancé en octobre 1942. Il améliorait considérablement les sous-marins de la classe Gato. Et effectivement, tous les Balaos portaient le nom d'une espèce de poisson. Ce qui n'a pas empêché le Stickleback d'avoir un impact considérable.

Pourquoi le Stickleback était-il si efficace ? Les sous-marins Balao avaient des coques épaisses en alliage d'acier hautement résistant qui leur permettaient de plonger à des profondeurs de 120 mètres. Et en fait, la coque de ces sous-marins n'a pas cédé avant d'atteindre 275 mètres. Ce chiffre est particulièrement important si l'on veut comprendre le malheureux destin du Stickleback.

Pourtant, quand on songe à la construction du Stickleback, on se dit qu'il est presque inconcevable qu'il ait pu couler. Tout a commencé en mars 1944 sur le chantier naval de Mare Island à Vallejo, en Californie. À l'instar de tous ses semblables de la classe Balao, le Stickleback était un navire diesel-électrique propulsé par quatre moteurs à dix cylindres et quatre moteurs électriques à grande vitesse, les moteurs diesel entraînant les deux hélices. Impressionnant, pas vrai ?

Le sous-marin mesurait 95 mètres de la proue à la poupe et un peu plus de 8 mètres maximum de largeur. En immersion, le Stickleback pouvait atteindre une vitesse maximale de presque neuf nœuds. En surface, sa vitesse maximale était d'un peu plus de 20 nœuds. Il était donc puissant et rapide – une combinaison mortelle. Et ce n'est pas tout.

Le Stickleback avait une autonomie de 11 000 milles marins à une vitesse constante de dix nœuds. Il pouvait également rester jusqu'à 75 jours en patrouille, et pouvait même rester en immersion pendant 48 heures à une vitesse de croisière de deux nœuds. Enfin, il était conçu pour accueillir un équipage de dix officiers et 71 marins. Sérieusement, c'est un miracle que quiconque soit parvenu à couler ce navire!

Il était également très bien équipé du point de vue de l'armement. Le sous-marin disposait de dix tubes lance-torpilles de 21 pouces, dont six étaient placés à la proue et les autres à l'arrière. Le sous-marin possédait également des armes de surface pour la défense ou l'attaque. Sur le pont se trouvaient un canon de cinq pouces et deux autres canons, un Bofors de 40 mm et un Oerlikon de 20 mm. Ces derniers étaient très utiles.

Le Stickleback a été lancé le premier jour de 1945 et a officiellement été intégré à l'U.S. Navy fin mars. Les derniers travaux d'aménagement du sous-marin ont été achevés vers la fin du mois de mai. Son premier capitaine était le commandant Lawrence G. Bernard, mais il n'a pas réussi à sauver le Stickleback de son destin fatal.

Fin juin 1945, le Stickleback met le cap sur Pearl Harbor à Hawaï, où il arrive après six jours de voyage. Il participe à quelques exercices avant de recevoir l'ordre de partir pour Apra Harbor, sur l'île de Guam, dans le Pacifique. Les Américains s'étaient emparé de l'île après d'âpres combats avec l'armée japonaise en août 1944.

Le Stickleback a ensuite quitté Apra le 6 août 1945 pour sa première croisière en temps de guerre en mer du Japon. Cependant, les Américains larguèrent la première bombe atomique au monde sur Hiroshima le jour même, et une deuxième bombe sur Nagasaki trois jours plus tard. La résistance japonaise s'effondre, le pays capitule et un cessez-le-feu est déclaré le 15 août. Cela a aussi affecté le Stickleback.

Le jour de la capitulation, le Stickleback reçoit l'ordre de cesser les attaques contre les navires ennemis mais de rester dans sa zone de patrouille. Le sous-marin et son équipage n'ont donc jamais participé aux combats de la Seconde Guerre mondiale. Il a cependant été impliqué dans un incident notable lié à la fin des hostilités.

Toujours en mer du Japon, six jours après la capitulation, la vigie de Stickleback repère deux radeaux de bambou à la dérive dans l'eau. À bord de ceux-ci se trouvaient 19 hommes, sans doute ravis d'apercevoir le sous-marin. Même s'ils ont dû se poser la question de savoir comment ils allaient être reçus par les marins américains.

Les marins à bord des radeaux étaient en fait les rescapés d'un cargo japonais, le Teihoku Maru. Un sous-marin américain, un autre vaisseau de la classe Balao, l'USS Jallao, avait torpillé et coulé ce cargo le 11 août, quatre jours seulement avant le cessez-le-feu. Les 19 hommes qui sont parvenus à monter sur ces radeaux de fortune furent les plus chanceux. Vingt-sept de leurs compagnons d'équipage ont péri dans le naufrage.

Le Stickleback est venu au secours de ces marins, leur donnant de la nourriture et une assistance médicale. Après 18 heures de voyage, les marins naufragés ont pu regagner leurs radeaux à proximité de l'île coréenne d'Ulleungdo, où ils ont pu débarquer en toute sécurité. Après avoir livré son chargement humain, le Stickleback repart vers Guam, puis vers San Francisco. Et c'est là que son destin va se jouer.

À son arrivée à San Francisco le 9 septembre 1945, le Stickleback participe aux commémorations de la victoire, puis remonte la côte est jusqu'à la Colombie-Britannique, au Canada. Il se rend ensuite à Pearl Harbor au début de 1946, avant d'être désarmé en juin au chantier naval de Mare Island en Californie. Mais les membres de l'équipage n'étaient pas conscients de tous les problèmes qui attendaient le sous-marin.

Car ce désarmement était loin de marquer la fin de l'histoire du Stickleback. Cinq ans plus tard, en juin 1950, les hostilités éclatent dans la péninsule coréenne. La guerre de Corée fut un conflit de la guerre froide entre les États-Unis et leurs alliés des Nations Unies d'une part, et la Corée du Nord communiste, soutenue par la Chine et les Soviétiques, d'autre part. Cette guerre acharnée et meurtrière fut loin d'être "froide", et elle a permis au Stickleback de reprendre du service.

Le Stickleback reprend alors du service dans la Navy à partir de septembre 1951 avec un nouveau capitaine, le lieutenant-commandant Roy J. Robinson. Le sous-marin participe alors à des exercices au large de la Californie jusqu'à être de nouveau mis hors service en novembre 1952. Cette fois, il est retiré de la circulation pour une révision en profondeur. Mais c'est à la fois trop peu, et trop tard.

Le Stickleback est alors reconverti dans le cadre du programme GUPPY (Greater Underwater Propulsion Power Program) de la marine américaine. Ce programme visait à moderniser les sous-marins de la Seconde Guerre mondiale pour les rendre conformes aux normes en vigueur dans les années 1950. La conversion de Stickleback a duré dix mois et incluait l'installation d'un tube d'air, d'une batterie améliorée et d'un système de sonar.

Sa modernisation terminée, le Stickleback navigue en janvier 1954 vers la ville de Yokosuka au Japon, son nouveau port d'attache. La guerre froide se poursuit. Le sous-marin est à présent impliqué dans des missions de reconnaissance, surveillant les navires soviétiques. Cela va signer sa perte.

Le Stickleback embarque pour sa première mission de la guerre froide à la fin du mois de mars 1954 pour une mission de quatre semaines. Il quitte le Pacifique par le détroit de Tsugaru et pénètre dans les eaux situées entre le Japon et la péninsule coréenne. Sa mission était essentiellement axée sur la surveillance. Il photographie plusieurs navires soviétiques naviguant dans les eaux de la Corée. Jusque là, tout allait bien.

En fait, tout se passa bien pour les deux missions suivantes également. Le sous-marin surveille la navigation soviétique dans la mer de Béring, entre les côtes de la Russie et de l'Alaska. Il effectue également d'autres patrouilles avant que son équipage ne bénéficie de six jours de repos. Si la guerre froide avait continué de la sorte, l'histoire aurait été fort différente.

À la fin de sa quatrième mission, le 10 octobre, le Stickleback avait enregistré les mouvements de 119 navires soviétiques. Pas mal ! Bien sûr, ce n'était pas exactement ce pour quoi le Stickleback avait été construit à l'origine. Mais la Guerre froide était tout à fait différente de la Seconde Guerre mondiale. Et le Stickleback allait découvrir à quel point lors de sa cinquième et dernière mission.

En juin 1957, le sous-marin quitte Pearl Harbor et se rend dans les eaux au large de la Sibérie. Le 26 juillet, le sous-marin est de retour à Hawaï. Le prochain moment important dans l'histoire de Stickleback survient en mai 1958, alors que le sous-marin est impliqué dans un exercice d'entraînement, en principe de routine, mais qui se révèle être tout le contraire.

Le 28 mai 1958, le Stickleback participe à un entraînement à la guerre anti-sous-marine avec le destroyer de la marine américaine, l'USS Silverstein. Cet exercice se déroule à proximité des îles hawaïennes et implique un troisième navire, un récupérateur de torpilles. Au cours de l'entraînement, le sous-marin devait lancer des torpilles factices sur le destroyer, et l'exercice se poursuit le jour suivant.

Au cours de l'après-midi du deuxième jour, le Stickleback effectue une nouvelle simulation d'attaque à la torpille sur le Silverstein. Les navires se trouvent à ce moment-là à environ 30 kilomètres de l'île d'Oahu. À la fin de l'exercice, le sous-marin plonge comme prévu, mais quelque chose tourne mal. Le sous-marin perd sa propulsion et se met à plonger de façon incontrôlée, atteignant rapidement une profondeur de 250 mètres.

Pour faire court, atteindre une profondeur de 250 mètres est loin d'être une bonne chose. Pour rappel, les sous-marins de la classe Balao avaient une profondeur d'essai de seulement 120 mètres. Après avoir atteint cette profondeur, la coque du sous-marin était soumise à de telles pressions qu'elle risquait de se plier comme une canette de soda vide dans un étau.

Heureusement pour l'équipage, le Stickleback est parvenu à déployer ses ballasts d'urgence, et est rapidement remonté à la surface en sécurité. Le sous-marin et l'équipage étaient alors saufs mais le danger était loin d'être écarté. En effet, le Stickleback a fait surface à moins de 200 mètres de la proue du Silverstein et directement sur sa trajectoire.

Les destroyers de la marine américaine ne sont pas capables d'effectuer des arrêts d'urgence, et certainement pas à moins de 200 mètres. Même si l'équipage du Silverstein a fait tout son possible, en inversant les moteurs et en virant de bord au maximum, le destroyer a malgré tout percuté le sous-marin par bâbord, lui causant une large brèche dans la coque. Heureusement, la collision n'a pas fait de victimes, mais le sous-marin a été gravement endommagé.

Pat Barron, apprenti sous-marinier, était présent à bord de Stickleback lorsque l'accident s'est produit et a raconté son expérience dans une interview publiée sur le site SubmarineSailor.com en 2002. Barron déclare : "Je me souviens que c'était un peu avant le repas de midi, nous étions en immersion, nous avons perdu de la puissance, puis nous avons pris un angle de descente énorme et nous avons commencé à couler. Les lumières d'urgence se sont allumées et juste après, j'ai entendu qu'ils commençaient à faire sauter les ballasts principaux."

Barron poursuit : "Une fois que notre descente s'est arrêtée, nous avons commencé à remonter rapidement à la surface". Et le jeune marin se souvient de la suite des événements : "Nous avons fait surface et dans les 30 secondes qui ont suivi, nous avons été percutés par le Silverstein par bâbord... La collision a été un véritable un choc. Elle a poussé le navire à tribord et nous a tous fait tomber."

Barron se rappelle également : "Vous savez ce qu'on dit de la vie qui défile devant vos yeux dans de tels moments, eh bien cela m'est arrivé. Je me souviens encore d'avoir vu ma petite amie du lycée." La chose que le sous-marinier entendit ensuite fut le cri "Abandonnez le navire". Voilà trois mots que tout marin espère ne jamais entendre.

Heureusement pour l'équipage du Stickleback, un navire de sauvetage, l'USS Greenlet, est rapidement arrivé sur les lieux et les sous-mariniers ont pu être transférés à bord sans incident. Toutefois, le sous-marin n'a pas eu cette chance. En dépit des efforts déployés par les différents navires à proximité, il n'a pu être sauvé.

Barron se rappelle de ce moment où le sous-marin a sombré : "il s'est enfoncé de plus en plus par la proue jusqu'à ce que l'eau commence à le submerger. C'est à ce moment que le capitaine a enfin quitté le navire pour monter à bord du Greenlet. Le sous-marin a continué à s'enfoncer de plus en plus profondément jusqu'à ce qu'il se renverse et que la poupe remonte avec les hélices, le gouvernail et les plans de la poupe qui dépassaient, puis il a disparu".

L'USS Stickleback a donc coulé à environ 3000 mètres à environ 30 kilomètres de la côte d'Oahu. Cependant, l'emplacement précis de la tombe aquatique du sous-marin est resté un mystère pendant plus de six décennies. C'est alors que Tim Taylor et les chercheurs du Lost 52 Project ont commencé à rechercher l'épave.

Le Lost 52 Project de Taylor a pour objectif de localiser les épaves de sous-marins perdus et tire son nom du fait que 52 d'entre eux ont disparu au cours de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, Taylor et son équipe ont élargi leur mission à la chasse aux sous-marins ayant sombré pendant la guerre froide. C'est en effet durant ce conflit entre l'Amérique, ses alliés et l'Union soviétique que l'USS Stickleback a fait naufrage.

Selon le site Web du Lost 52 Project, l'équipe de Taylor veut "fournir la documentation la plus complète possible et établir un bilan de ces emplacements pour nos marins disparus de la Seconde Guerre mondiale, leurs familles et la nation". Ce projet rassemble des données précises sur chaque navire découvert afin de créer une documentation pédagogique précieuse.

Au cours d'un entretien accordé au site Atlas Obscura en mars 2020, le Dr Bob Neyland, du Naval History and Heritage Command, a insisté sur l'importance de cette découverte et des autres en déclarant: "Chaque découverte ... donne une occasion de se souvenir de nos marins et de leur rendre hommage." Ces neuf dernières années, le Lost 52 Project a eu l'honneur de retrouver six sous-marins américains disparus pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre froide. Malheureusement, toutes ces histoires n'ont pas une fin heureuse.